Amber aurait-elle aimé rester sur le toit à profiter du soleil bienfaiteur ? Bien sûr que oui. Il faisait beau, c’était le premier jour … elle aurait pu espérer une journée tranquille à ne pas faire grand-chose ? Et bien non. Tout d’abord, il y avait eu Julian. Mais il ne comptait pas vraiment. C’était un ami. Elle aurait été capable de faire bien plus pour lui. Et tout le monde ne pouvait pas en dire autant. Le nombre de personnes pour qui elle pourrait aller aussi loin était limité. Plus que limité. Restreint.
Mais là … déjà deux bras cassés à l’infirmerie. Ils étaient forts. Très forts. Dès l’inauguration de l’Institution … bien joué. Nouveau record. Elle soupira en dévalant une série de marches avant de s’engager dans le couloir qui menait à son royaume médical où elle régnait en maître … conjointement avec Kageri. Et c’était avec plaisir qu’elle partageait le trône. Elle se demandait vraiment où était son amie tout de même … Par acquis, elle sortit son téléphone pour vérifier les derniers messages reçus … non. Son nom n’apparaissait pas. Elle l’appellerait après, quand elle en aurait fini avec ses deux … quel était le mot déjà ? Victimes ? Non … cobayes ? Non plus. Cibles ? Toujours pas. Ah oui : patients. Et ç’allait être quoi ? Une semi-plainte du genre "M’dam, j’suis tombé et je me suis éraflé l’avant-bras, je me vide de mon sang ! J’vais mouriiiiiir !" probablement … Nouveau soupir. Elle aurait aimé une rentrée plus calme. Mais elle ferait payer ça à Dante. Comme toujours.

Arrivant à la porte, nullement gênée d’être pieds nus, elle regarda les présents. Son directeur d’ami, facilement identifiable, et un inconnu qui semblait bien se porter à voir comme ça. Mais il lui avait dit deux jeunes et un animal original. Qu’est-ce qu’il lui avait trouvé encore ? Pour le coup, elle saisit les derniers propos prononcés qui annonçaient la couleur. S’il parlait de rattraper quelqu’un, c’est qu’il y avait eu évanouissement. Ce qui laissait ouverte la question de la cause : fatigue soudaine, mauvais coup pris … les deux à la fois ?
Par contre, il n’avait pas froid aux yeux de s’adresser de la sorte à pas plus que le directeur de l’Institution. Fait qui la fit sourire brièvement même s’il ne pouvait pas s’en rendre compte. En ce qui la concernait, hormis de la part de certains, elle demandait le vouvoiement. Juste pour une histoire de mise à distance et d’autorité. Elle l’employait aussi. Etrangement, c’était bien plus amusant quand elle devenait vraiment froide et cynique. Enfin, plus que de coutume.

« Alors ? Qui est-ce que j’ampute avant le déjeuner ? »

Là par contre, si sa voix était chaleureuse, son ton enjoué et ses yeux rieurs, c’était bien parce qu’elle était potentiellement sérieuse et que cela ne l’aurait pas dérangé outre mesure. Mais dans ce cas, son patron se serait montré bien plus expéditif lors de son coup de fil. Et la doc se serait montrée moins frivole, passant directement à la demande des explications. Phase par laquelle elle passait maintenant.

« Alors, qui me fait un topo que je sache ce qu’il se passe ? »

Même si elle était douée, elle ne pouvait pas deviner à partir de rien. Cela étant, si le deuxième énergumène s’était effondré, Dante l’avait forcément allongé dans la salle de repos. Alors c’est sans plus attendre qu’elle entra sur son domaine, embrassant la joue de son ami en passant à côté de lui, avant de poursuivre.
Ah tiens. Finalement, c’était une bras cassé et … un … lapin ? Elle s’approcha de la petite créature. Elle y ressemblait. Mais non. Les lapins n’avaient pas de pierres précieuses incrustées dans le front … ou pas à sa connaissance du moins. Délaissant la petite bête pour l’instant, elle se tourna vers la demoiselle blonde à laquelle elle donnait une quinzaine d’années. Pas de fractures ou plaies ouvertures apparentes. Elle attrapa un des stéthoscopes pour vérifier les battements de cœur. Un peu plus lents que la normale mais réguliers. Il lui faut juste du repos … Normalement. Les réponses apportées orienteraient son avis.

Amber regarda les réactions du môme quand Dante lui apprit son nom. Tellement classique. Cela aurait été tellement plus fun qu’il se sache déjà et qu’il l’appelle comme ça en toute connaissance de cause. Même peu importe où elle avait exercé, ses patients manquaient toujours cruellement d’imagination. Par contre, ses excuses qui sonnaient faux à ses oreilles la firent tiquer et la remarque fusa, aussi fraiche que de la neige tout juste tombée.

« Et quelle différence cela aurait-il fait s’il avait été un membre normal comme vous dites ? »

Son regard s’était quelque peu durci sans pour autant atteindre sa froideur maximale. Loin de là. Elle n’allait tout de même pas lui faire peur tout de suite. Mais sa réponse l’intéressait grandement. Normal dans le sens pas membre du personnel ? Ou normal dans le sens simplement humain ?
Elle se tourna vers Dante, toute trace de sourire disparue même si son ton était plus neutre envers son ami … même s’il n’atteignait pas la chaleur qu’elle avait d’habitude en sa compagnie.

« Personne ? Dommage. J’aurai pu tester le matériel de l’Institution … peut-être une autre fois. »

Alors qu’elle examinait son inconnue, elle attendait une réponse de l’un des deux. Peu importe lequel tant qu’elle avait une réponse et rapidement. Sa patiente avait peut-être besoin de soins urgents et si on ne lui disait rien, c’était comme jouer à un FPS avec le pad : un véritable bordel sans nom et une incapacité à être utile.
C’est avec une extrême attention qu’elle écouta Dante quand il prit la parole pour lui apporter des informations manquantes.

« Des fantômes et un lapin qui téléporte. Cool. Je ne me rappelle pas qu’on ait eu des fantômes à House … par contre, le lapin de Sakura me dit quelque chose. »

Elle se tourna vers la petite boule de poils et effleura son pelage du bout des doigts, avec une douceur apparente. Pour cette dernière, elle n’était pas vraiment qualifiée. Elle n’était ni véto ni versée dans les corps des espèces étrangères. Cela étant, si elle en croyait les propos tenus, il ne fallait pas s’étonner qu’elle soit juste à plat. Au toucher, elle n’avait rien senti ni plaie ni sang. L’avis de Kageri quand elle sera là serait bon à prendre.
La doc savait qu’elle avait déjà vu un petit animal semblable. Elle essayait juste de se rappeler où, quand et pourquoi. Mentalement, elle fit défiler tous les dossiers médicaux dont elle avait pris connaissance. Il était forcément dans l’un d’entre eux. Elle délaissa brièvement la conversation courante pour réfléchir. Bingo. Elle remit un nom dessus tout en enregistrant les propos émis par … un illustre inconnu. Elle se tourna vers Dante.

« Aokai. Il me semble que c’est elle qui a une boule de poils du même genre. Sauf que le pelage est noir et la pierre bleue … »

Dans sa grande mansuétude, elle décida ne pas répondre tout de suite au môme mais plutôt de revenir au chevet de Sakura pour la faire pivoter sur le côté. Ainsi, elle avait une vue dégagée sur sa nuque et effectivement, un bel hématome s’y dessinait. A croire que dès ses premiers jours, elle était confrontée à des marques sur un cou … Réjouissant. Mettant de côté ses pensées personnelles, elle palpa cette zone endolorie en faisant bien attention. Déjà, si elle avait été brisée, la demoiselle ne serait plus là. Si elle avait été endommagée sérieusement, il ne se serait pas écoulé autant de temps avant qu’elle ne tombe dans les vapes et elle aurait eu quelques désordres psychomoteurs. Pour elle, la dénommée Sakura s’était juste pris un mauvais coup qui, avec le recul, l’avait mise KO. Rien de bien méchant en somme. Un scanner pourrait confirmer cela … mais pour le moment, elle allait la laisser se reposer tout en vérifiant ses signes vitaux régulièrement.
Gardant le stéthoscope autour de son propre cou, elle revint dans la pièce principale pour prendre, dans l’une des armoires, de la crème apaisante contre ce genre d’incidents. Elle en profita pour se tourner vers celui qu’elle ne connaissait pas, prenant un ton froid dans la gamme qu’elle adorait.

« J’ai deux questions pour vous. Mais l’une est plus importante que l’autre alors je vais commencer par celle-là … pourquoi avez-vous vous autant attendu pour venir à l’infirmerie ? »

Quinze minutes, allez, même vingt minutes le temps de trouver et de venir, elle aurait compris. Mais trois quarts d’heure voire une heure … ils s’étaient perdus au détour d’un couloir qui possédait une faille spatio-temporelle ou quoi ?

Amber s’attendait au pire en posant sa question. Elle ne fut pas déçue. Tout un panel d’émotions s’offrait à elle et elle ne savait même plus laquelle choisir. Mais dans tous les cas, ce n’était ni la joie ni l’euphorie qui l’emportait.
Déjà, il avait commencé à l’appeler "Mademoiselle" … appellation qui l’avait fait se crisper un peu tout en faisant une légère moue de dégoût. Mademoiselle … mademoiselle … je vais finir par mettre un badge avec écrit "Docteur " en gros dessus si ça continue moi … Ensuite, son explication ne lui plaisait pas du tout. Il était possible qu’elle interprète mal mais là elle comprenait que si l’interlocuteur du jeune homme n’avait aucune prise hiérarchique sur lui, il le traitait différemment. Il était où le piège ? Depuis quand on avisait de son respect pour les gens selon leur statut dans une institution ? Alors elle-même qui n’avait pas le pouvoir de le renvoyer, même si elle pouvait lui faire bien pire que ça, elle n’avait pas droit au même respect que Dante ? C’était ça l’idée ou elle avait raté un wagon ? Et le pompon était pour sa dernière remarque … alors là, il avait fait fort, très fort. Voilà qui la jugeait sur son apparence et non sur ses capacités. Pas de chance pour lui, elle détestait ça. C’était le bouquet.
Finalement, elle laissa échapper un soupir des plus audibles et lança un regard blasé à Dante. Il la connaissait. Il ne pouvait pas ignorer comment elle allait réagir. Et elle n’allait certainement pas s’en priver. Le regard qu’elle lui lança était aussi froid qu’une nuit d’hiver en Sibérie et sa voix semblait avoir la même origine.

« Nous allons revenir sur certains détails. déclara-t-elle en insistant sur ce dernier mot Tout d’abord, c’est Docteur. Certainement pas mademoiselle. La prochaine fois, vous serez ignoré dans les formes si vous persistez à m’appeler de la sorte. Si nous restons dans le domaine de l’appellation, je vous conseille d’oublier le "belle demoiselle". Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble. De plus, je déteste être considérée à travers mon physique. Je n’en serai pas moins compétente et efficace si j’avais 30 kilos de plus, les cheveux bouclés ou les dents en avant. »

La jeune femme s’accorda une légère pause dans sa tirade. Si ses prunelles et le timbre de sa voix étaient un pouvoir, son interlocuteur serait congelé dans un bloc de glace depuis le début. Cela étant, ce n’était pas plus mal que ce ne soit pas le cas : discuter avec un glaçon n’était pas des plus productifs. Elle reprit sur la même voie.

« Vos propos m’amènent à une autre réflexion. Moi qui ne suis que médecin au sein de l’Institution et qui n’ai aucun pouvoir de "renvoi" sur vous selon vos propres termes, à quel type d’égard ai-je droit ? Suis-je un membre "normal" qui n’a pour vous aucune valeur particulière et à qui vous pouvez parler comme si j’étais votre compagnon de chambrée ? Ou alors suis-je encore considérée autrement ? »

Autant, les points précédents, on lui faisait souvent le coup et à force, elle en avait l’habitude. Elle continuait de détester ça mais dans la plupart des cas, une remarque cinglante bien placée suffisait à éviter la reproduction de l’erreur. Autant le coup de la supériorité hiérarchique basée sur une possibilité de renvoi, c’était une première. Alors comme ça, si l’on ne pouvait pas renvoyer les gens, on ne valait rien. C’était là qu’il voulait en venir ? Pour sa propre sécurité, elle espérait que ce ne soit pas le cas. Bien qu’elle ne soit pas méchante dans le fond, elle était capable, à l’aide de certaines substances qui, bien que légales, n’étaient pas trouvables à la pharmacie du coin, de le faire souffrir assez facilement. Et là, ce serait lui qui prierait pour être renvoyé.
Seulement voilà. Elle n’était pas méchante et n’en arriverait pas à cette extrémité. Elle savait très bien se retenir comme avait pu le constater Julian à plusieurs reprises. Au pire, elle pouvait lui courir après s’il venait à s’enfuir et lui injecter une dose non létale de calmant. Cela le ferait juste dormir, rien de plus. C’était le seul effet notable … en plus de l’esprit dans le brouillard au réveil.
Elle jouait avec le tube de crème quand il répondait à son autre question. Elle s’intéressa quelque peu à la réponse et répondit par une autre question. Qui n’était nullement la seconde question qu’elle avait envisagé au début.

« Et demander de l’aide à la Garde qui est là pour ça c’était trop dur pour vous ? »

Nouveau soupir fatigué et désabusé. Tous les mêmes ces gosses. Sakura ne faisait pas exception puisqu’elle la voyait se relever sans attendre une quelconque autorisation. Un jour, elle envisagerait vraiment les entraves pour les éviter de bouger. Mais on la prendrait pour une tortionnaire … alors qu’elle voulait juste faire son boulot en paix.
Elle ne fut même pas étonnée d’entendre le lapin parler. Après tout, il téléportait bien les gens … Au moins, la demoiselle avait un certain sens commun. Elle s’était relevée, soit, mais elle s’estimait trop faible pour partir. La doc n’aurait pas à lui courir après et c’était toujours ça de pris. En plus de la crème, elle prit un verre dans lequel elle lâche un comprimé de vitamine C avant de le remplir d’eau. L’effet effervescent débuta dans le même instant.
Avisant l’inconnu dont le nom lui importait de moins en moins à côté de sa patiente, elle réprima un soupir désapprobateur avant de les rejoindre dans le silence que lui permettaient ses pieds nus. Elle le dévisagea et l’air froid qu’elle avait auparavant repris sa place.

« Vous, vous sortez de cette pièce et vous allez attendre à côté si le cœur vous en dit. Mais pour l’instant, vous me laissez faire mon boulot. Et ce n’est pas une suggestion. »

Elle tira un tabouret sur roulette pour s’asseoir en face de l’adolescente tout en lui tendant le verre pétillant. Sa voix s’adoucit soudainement et son regard se fit neutre avec une pointe de chaleur. Mais bien peu étaient capables de le voir …

« Voici pour vous. Cela devrait compenser le contrecoup physique. Mais rien ne sera mieux qu’une bonne nuit de sommeil. Contre la douleur dans la nuque, j’ai cette crème … dit-elle en agitant le tube Je vais vous en mettre une première application maintenant et je vous laisserai le tube pour que vous en remettiez pendant deux ou trois jours. D’ailleurs, si vous pouviez vous tourner un peu, cela m’arrangerait. Hormis ça, avez-vous mal ailleurs ? »

Dévissant le tube, elle s’en mit une noix sur les doigts et attendit que la demoiselle pivote. Elle en ignora complètement son accompagnateur et bien que Dante soit son ami, elle ne lui accordait aucun intérêt pour le moment.

Ton froid et regard blasé ? Utilisation en cours …

« Vous ne pouviez pas savoir ? Dante appelle le personnel adéquat, je rapplique dans la foulée et vous n’êtes pas capable de faire le lien ? Pourtant il est évident. Et devant le manque d’informations, il n’y a qu’une solution : aller les chercher. Me demander qui j’étais était aussi facile il me semble. déclara Amber en levant les yeux au ciel Et encore heureux que je vais être considérée comme médecin. Manquerait plus que ça … Ah oui, avant que j'oublie, évitez de prendre ce ton condescendant avec moi. Vous risqueriez de perdre. »

Elle se tourna vers Dante qui s’appuyait au chambranle de la porte. Elle savait qu’il ne la surveillait pas. Elle avait de base un excellent CV et elle avait fait ses preuves à la maison de redressement. C’était plutôt l’autre zigoto qu’il devait avoir à l’œil. Au cas où il devrait intervenir. Et si c’était le cas, elle ne s’en offusquerait pas. Elle savait que c’était juste pour rendre service et non parce qu’il doutait d’elle. Elle lui adressa un petit sourire furtif que lui seul pouvait comprendre avant de soupirer et de reprendre d’une voix neutre.

« Je t’en prie, dis-moi qu’ils ne vont pas tous être comme ça … »

Par contre, pour une fois, elle fut étonnée de ne pas avoir besoin de répéter son ordre. Elle n’allait pas s’en plaindre. Elle allait s’occuper de Sakura quand elle entendit frapper. Sa voix se resta neutre.

« Ho ho ! Apparemment non … certains connaissent encore la notion de frapper avant d’entrer … dit-elle avant d’hausser la voix pour se faire entendre clairement C’est ouvert ! »

Crème à la main alors qu’elle était prête à l’appliquer sur le coup de sa patiente, la doc observa les deux nouveaux venus. Que de monde … Elle leur donnait une quinzaine d’années, à plus ou moins une année près. Elle ne prit pas la peine de les dévisager, s’attardant plutôt sur ce qu’il se disait. Silencieuse, elle écouta les propos du nouvel inconnu. Au moins, il savait y mettre les formes et c’était nettement plus agréable à entendre. Elle aurait presque pu accéder à sa requête. Mais non. Pas tant qu’elle n’en aurait pas fini.

« Non, vous ne pouvez pas. Je dirais bien que je suis désolée pour que cela fasse plus … compatissant … mais ce serait vous mentir. Mon infirmerie n’est pas une garderie mais si vous restez silencieusement où vous êtes, il y a moyen que je vous laisse tranquille. Sinon, vous savez où est la porte. »

Oubliant tous ceux d’à-côté, y compris Dante même s’il avait droit à bien plus d’égard, elle s’occupa de Sakura, appliquant la crème avec douceur, lui massant la nuque par la même occasion. Double effet : cela allait l’apaiser un peu et la crème pénétrait mieux ainsi. Elle ne se souciait pas de la boule de poils qui semblait la regarder comme si elle allait faire un pas de travers. Finissant, elle posa le tube sur la table d’appoint à côté du lit.

« Vous n’oublierez pas de le prendre en partant d’ici mais pas avant … elle consulta sa montre d’un rapide coup d’œil disons 15 minutes. En attendant, vous restez assise et vous patientez tranquillement. Si vous avez des questions, je serai à côté, n’hésitez pas à m’appeler. »

Amber se leva pour repasser dans la pièce d’à-côté et grimaça … il y avait quand même trop de monde à son goût. Passant outre, elle alla s’installer à son bureau et sortit les papiers nécessaires. Premier jour et déjà de la paperasse, sérieusement, ils avaient fait vraiment très fort. Peut-être devait-elle leur accorder une mention spéciale. Un badge peut-être. Ou un autocollant.
S’armant d’une arme de destruction massive nommée stylo bic, elle se mit à jouer avec, la faisant tourner autour de son pouce avant de regarder les trois amis de sa victime du jour.

« Je vous la rends dans quinze minutes. Mais pour l’instant, vous la laissez seule pour qu’elle ait le loisir de se remettre dans un calme relatif. Si l’un d’entre vous passe le seuil de la porte, il la rejoindra … dans le lit d’à-côté. A vous de voir. »

Etait-ce une menace ? Même pas. Un simple constat, une simple info lancée en l’air. A eux de voir s’ils voulaient y croire ou non. Certains avaient cru qu’elle bluffait. Vingt minutes après, ils avaient changé d’avis … ce jour-là, ç’avait été assez sportif bien qu’assez jouissif pour elle. Sadique ? Probablement un peu.
Reprenant son stylo de façon à pouvoir écrire, elle commença à remplir l’un de ses cauchemars : la paperasse administrative.

Assise au bureau qu’elle avait fait sien, même si elle en changerait si Kageri souhaitait l’avoir, Amber remplissait docilement les documents administratifs. Maudit soit celui qui les a mis en vigueur. Etrangement, elle doutait qu’il ne soit déjà plus de ce monde. Et courir après les morts, ça ne se fait pas.
Elle n’avait même pas besoin de leur demander d’informations. Même s’il n’y paraissait pas au premier abord, elle était très attentive à ce qu’il se passait autour d’elle et elle avait entendu tout ce dont elle avait besoin. Noms, prénoms et cause du dérangement. Tout en couchant sur papier toutes ces données, elle gardait un œil sur ceux qu’elle surveillait. Oui, elle était baby-sitter à ses heures perdues. Sauf qu’en temps normal … c’étaient ses filleules ou encore la petite Hime. Et c’était tout. Les autres pouvaient se brosser. Dans le cas présent, elle ne voulait juste pas qu’ils foutent le bordel et qu’ils désobéissent à ses ordres.
Elle se sentait observée mais ne bronchait pas. De tous ceux qui étaient dans la même pièce, seul un pouvait être assez fou pour se le permettre. Il faut dire aussi qu’il la connaissait bien maintenant. Esquisser un bref sourire, elle ne releva pas la tête pour tirer la langue à Dante. Elle se vengerait un peu plus tard … quand lui bosserait et elle non. Accaparée par l’un de ses ennemis le plus farouche, elle n’écouta son ami qu’à moitié, l’entendant juste se lever. Elle sourit brièvement quand elle sentit ses lèvres sur sa joue. Juste assez pour que lui le voit mais pas nécessairement les autres. Elle leva les yeux, le regardant partir avec une pointe d’amusement qui ne s’affichait qu’intérieurement.

« Je ne suis pas sourde Dante … et tu sais très bien que ta présence me suffit voyons. »

Est-ce qu’elle le charriait ? Evidemment. Elle adorait ça. Et c’était réciproque. Sinon ce ne serait pas aussi fun …
Dans un silence, pas total mais tout de même appréciable, elle nota le départ d’un des jeunes gens. C’était toujours ça de pris. Encore deux. Elle y était presque. En tout cas, elle n’allait pas vraiment se plaindre. Les dénommés Shaolan et Ellundril se tenaient à carreau. Peut-être leur avait-elle fait peur … pensée qu’il la fit sourire vaguement. Si elle commençait à établir sa réputation dès le premier jour, cela promettait de la rendre haute en couleur. En attendant, si elle calait le prénom du jeune homme dans les origines chinoises, elle n’en savait rien pour la demoiselle. Une lecture de son dossier lui en apprendrait plus, c’était certain. C’est d’ailleurs probablement à cette tâche qu’elle allait s’atteler quand tous auraient mis les pieds dehors.
Alors qu’elle entendait Sakura s’agiter à côté, elle jeta un coup d’œil à sa montre. 15 minutes … obéissante. Pour une fois … Elle leva le nez de ses papiers pour observer la porte où sa victime se trouvait déjà. Elle ne perdait pas de temps en tout cas. Elle fut satisfaite de voir qu’elle tenait le tube de crème. Décidément, cette petite lui faisait bonne impression. Ce n’était pas le cas de tout le monde. Il y en avait d’ailleurs nettement plus qui lui faisaient mauvaise impression. Mais c’était une autre histoire … Elle avisa le petit monde qui semblait bien portant et reprit la parole d’une voix relativement neutre. Pas froide, mais certainement pas chaleureuse.

« Bien, tout le monde est vivant, tout le monde est heureux. Sakura, n'oubliez pas l'application de la crème. Si par mégarde vous l'omettiez, je le saurai. Cela étant dit, je ne vous retiens pas plus longtemps. Vous connaissez la sortie … mais laissez la porte ouverte en sortant. Merci. »

Et sans plus d’égard que cela en leur encontre, elle apposa une signature et un tampon en bas de son rapport. Tout en se levant, elle s’étira, faisait craquer sa colonne avec satisfaction. D’un pas serein, elle se dirigea vers une armoire qui contenait des versions papiers des dossiers des élèves. Trouvant assez rapidement ceux des trois cibles potentielles qui étaient là, elle les sortit puis revint à son bureau où elle poussa le stylo qui trainait et autres feuilles dans un coin avant de s’asseoir en tailleur. Oui oui, sur le bureau. A bas les conventions. C’était le premier jour. Bien calée, elle commença sa lecture toujours en ignorant les autres.