Après avoir bien mangé au réfectoire, j'avais décidé de rentrer jusque ma chambre, histoire de me trouver quelque chose à faire. Sauf qu'à cause de mon sens pourri de l'orientation, et bien je me suis perdue. Inutile de rire ! Je me sentais suffisamment stupide comme ça. Toujours est-il que je me promenais, tranquillement, en essayant de retrouver mon chemin. Je suis passée un peu partout je crois. Dans la cours, la salle de détente, l'entrée de l'institut. En gros, j'avais perdue presque toute ma journée à trouver ma chambre ! Avec un peu de chance, je la trouverais avant la nuit, sinon ça serait un coup à dormir dehors. Ce qui ne me plaisait pas beaucoup. Je m'imaginais déjà à devoir me trouver un banc, ou quelque chose du même acabit pour m'en servir comme lit.

Comme je commençais vraiment à en avoir marre de marcher à l'aveuglette, je sortis mon MP4 et glissais les écouteurs dans mes oreilles. J'avais pas beaucoup de musique dessus. Il faut dire que je n'écoutais qu'une seule chanteuse ! J'avais, dans le cas contraire, l'impression de la trahir. Ce qui était totalement stupide, je le sais. En même temps, à cause de mon éducation, j'étais restée enfermée très longtemps à la maison. Autrement dit, ma culture musicale s'arrêtait à une dizaine de chanteurs/chanteuses à tout casser. Je n'avais pas eu le temps de palier à ce défaut, donc je faisais avec. Quoi qu'il en soit, je fis défiler les chanson les unes après les autres avant de tomber sur une qui me mettait la pêche. Sans que je m'en rende compte, j'étais déjà en train de chanter, mimant même la guitare électrique du morceau.

I hate to love you like this. So I won't love you again. There's no way, you know ? Let love be over ♫

Sauf que ma maldresse légendaire me rattrapa. En même temps, faire du air guitar en marchant est très risqué ! Oh oui ! Mes cheveux glissèrent malencontreusement devant et mes yeux, tandis que je marchais, je me payais le mur qui se trouvait devant moi. J'émis un petit " aïe " avant de retirer mes cheveux à l'aide de ma main. J'aperçus alors une forme humaine devant moi et m’empressais alors de m'excuser, tombant même sur les fesses. Sauf que ce n'était pas une personne. Du moins, s'en était une mais elle était " enfermée " dans un tableau. Ouais, c'était juste une peinture en fait. De quoi passer pour une folle à lier.

Toujours assise sur le sol, je posais une main sur la bosse qui apparaissait sur mon front. On aurait dit un œuf. Bien gros et bien dur. J'appuyais dessus, histoire de voir si ça me faisait mal. Geste stupide, bien sûr que ça faisait mal ! Je me mis à m'insulter de ma connerie à voix basse, histoire que l'on ne m'entende pas. Je remettais rapidement de l'ordre dans mes cheveux, enlevais mes écouteurs - ce qui était plus prudent - et m'assurais que personne ne m'avait vu me fracasser comme ça, pour une raison inconnue. Sauf que, pas de bol pour moi. Y avait bien des gens dans le couloir. De là où j'étais je ne pouvais pas vraiment les voir. A moins que ma tête qui tourne était dû au choque contre le mur. Hum, enfin bref ! Je fermais alors très très fort les yeux. Peut-être que si je le pensais très fort, ils finiraient par disparaître tous les deux. Quoi ? On a bien le droit de rêver !

J'avais fermé les yeux et puis quoi ? Et ba rien pendant quelques secondes. Normal en même temps. J'étais trop occupée à prier pour que les personnes que j'avais aperçu s'en aille sans poser de question. Et il me sembla d'ailleurs qu'ils s'en allèrent, puisque plusieurs minutes passèrent sans que l'on me héla. Quoi que maintenant que j'y pensais, je ne connaissais personne ici, alors qui aurait prêté attention à une pauvre fille bizarre qui venait de se payer un mur ? Personne, bien sûr. Et pour le coup, ça m’arrangeait vraiment.

J'allais alors ouvrir les yeux, mais me retins au dernier moment en sentant un " truc " monter sur mes genoux. Non pas que je n'étais pas curieuse. Au contraire, même. Mais comment dire, je m'inquiétais de ce que cette chose pouvait être. La manière la plus simple pour savoir ce que c'était était de le regarder. Mais je ne le fis pas. Et si jamais je tombais nez à nez avec une bébé extra-terrestre ? Comment devrais-je réagir ? Le balancer par la fenêtre ? Il faut préciser que j'ai toujours eu beaucoup d'imagination pour ce genre de choses. Je retins mon souffle lorsque je le sentis se coller contre moi. Pour le coup, je paniquais vraiment. Mais pourquoi n'ouvrais-je pas ces saloperies de paupières ?! Même moi je ne le savais pas. Un petit bruit s'échappa alors de la " chose " sur mes genoux. Un petit bruit qui m'était assez familier. Je sentis alors une langue rapeuse venir me lécher la joue. J'ouvris donc finalement les yeux pour voir que ce n'était qu'un chat.

Un chat ? C'est juste ... un chat ...

J'eus alors un rire nerveux que je n'arrivais pas à contrôler. Un bébé extraterrestre ? Mais oui, bien sûr, tout le monde y croit ! J'écrasais alors ma main droite sur la tête du chat en lui balançant un : Ça t'amuse de faire peur au gens ?! Je devais avoir l'air débile pour le coup. Parler à un chat, quelle bêtise ! Enfin bref. Je retirais alors ma main du sommet de son crâne avant de le regarder. Il avait un pelage entièrement noir et en le touchant je m'étais rendue compte de sa douceur. Passant mes mains au niveau des " aisselles " du petit chat, je le soulevais pour pouvoir mieux voir sa tête. Pour le coup, c'est ce que l'on appelle " plonger ses yeux dans ceux de quelqu'un d'autre ". D'ailleurs, ses pupilles horizontales étaient d'un rouge vraiment très surprenant. Ça le rendait très spécial, mais aussi vraiment adorable. Je souriais alors avant de le serrer fort contre ma poitrine. Enfin, pas trop fort non plus, histoire qu'il ne meurt pas dans mes bras !

Nya, mais c'est que tes chou, toi ! Enchanté gattino (=chaton) !

Si quelqu'un débarquait, là maintenant, on m'aurait certainement prise pour une gamine. Ce qui n'était pas totalement faux, je l'avoue. J'avais toujours gardé mon côté enfantin, et je l'assumais pleinement. Je reposais finalement le petit animal sur le sol, juste devant moi, avant de poser mon coude gauche sur l'une de mes jambes, tête sur la main.

Je savais pas que les animaux étaient autorisés. Mais qu'est-ce que tu fiches ici ?

Parler à un chat est la meilleure façon de se prendre un vent intersidérale. En même temps, ces petits quadrupèdes ne savent pas parler. Ce qui est dommage ! Ils en auraient des choses à raconter s'ils le pouvaient ! Je posais donc ma main sur son petit corps, le caressant de la tête à la queue. Elle était agréable, cette sensation de douceur et je ne m'en lassais pas du tout. Ce n'est qu'en le cajolant que je découvrais le collier rouge qu'il avait autour du coup. Je saisis donc la médaille qui pendait, regardant le nom qui y était inscrit. Kuro Neko. Un nom un peu étrange pour un chat. Mais ce que je remarquais, c'est qu'il n'y avait pas le numéro à appeler en cas de perte. Ce qui était bizarre ! Si l'on prend le temps de mettre un collier à son félin, on pense aussi à y inscrire un numéro de téléphone !

Tiens, t'as pas de numéro, murmurais-je comme pour moi-même. J'vais pas pouvoir te ramener chez toi, on dirait ...

Alors que je le caressais toujours, le chat se défit de mes bras pour me mordre l'index. Pas très sympathique, comme réaction ! Je me retins de lui en mettre une, comme je l'aurais fait avec n'importe qui. Ce serait tellement cruel de frapper un chaton aussi mignon ! Quoi qu'un chaton un peu spécial, je pense. Je l'avais senti bouger sa tête lorsque je l'avais serré contre ma poitrine. Ça existait, un chat pervers ? Pour le coup, j'étais bien tenté d'y croire ! Quoi qu'il en soit, il essayait de me montrer quelque chose, bien que je ne comprenais pas vraiment où il voulait en venir. Il se dirigea alors jusqu'à un tas de vêtements qu'il ramena près de moi avant d'essayer de les mettre, comme l'aurait fait n'importe quel humain. Bizarre, oui, c'était vraiment super bizarre.

Hé, le matou ! Tu vas abimer les vêtements du propriétaire, à jouer avec.

Je croisais alors les bras sous ma poitrine, ayant pour effet de les rehausser. Pour le coup, je n'avais aucune idée de ce qu'il se passait. J'étais seule, en compagnie d'un chat bizarre qui adopte des gestes d'humains. De quoi devenir fou, non ? En tout cas, j'étais folle de ne pas comprendre. Même en y réfléchissant, je ne saisissais pas ce qu'il voulait. Un chat n'était-il pas censé vouloir dormir, manger et encore dormir ? Bah, jusqu'à présent, c'était ce que je pensais. Là j'avais quand même un énorme doute. J'avais presque envie de lui retirer les vêtements pour jauger de sa réaction. Il me regarda alors dans les yeux, comme s'il souhaitait me faire passer un message subliminal.

Mais quoi ? J'pige rien, tu sais !

Vous n'avez jamais eu l'impression, lorsque vous vous trouvez en présence d'un animal, que celui-ci se fout ouvertement de votre gueule ? Et bien, c'était ça que je ressentais, en ce moment même. J'avais envie de le prendre par la peau du cou et de le secouer comme un prunier jusqu'à ce qu'il me réponde enfin. Sauf que c'était un chat ... Je soupirais alors, secouant la tête de gauche à droite. C'était un chaton, il ne pouvais donc pas parler, ni penser d'ailleurs. Autant que je me fasse à l'idée que j'étais en train de déconner à plein régime. Je m'approchais alors du tas de fringues, avant de constater que le félin s'était vraiment " habillé ". En tout cas, il avait bien passé ses petites pattes dans les trous comme n'importe qui l'aurait fait.

Peut-être était-ce un chat surdoué, en plus de pervers ? Non, ce n'était pas possible. L'espace d'un instant, je me dis que ce chaton n'en était peut-être pas un. C'était peut-être un genre de Prince charmant métamorphosé, comme on en voit dans les contes de fée. Comment ça, il s'agit de grenouilles ? Ce sont peut-être des grenouilles, mais quitte à embrasser un animal, autant que ce soit un chat qu'un stupide batracien.

Tu sais, si tu veux t'habiller comme les humains, va falloir aussi que tu te trouves un pantalon pour cacher ton derrière.

Oui, je me moquais ouvertement. Bah ! C'est pas comme s'il pouvait me comprendre, de toute manière. Tiens, et si je le faisais, finalement ? Lui retirer ses vêtements ? J'attrapais alors le T-Shirt pour voir comment il réagirait. Mais c'est qu'il était bien accroché dedans, en plus ! Maintenant que j'y pensais, qu'est-ce que faisait un tas de vêtements, comme ça, en plein milieu d'un couloir ? Finalement, j'abandonnais. Je m'allongeais sur le ventre, à même le sol pour être à la même hauteur que le chaton. Je posais ma tête sur ma main gauche accoudé par terre et tenais de l'autre main mon débardeur pour que mes seins ne soient pas visibles. Un sourire en coin, et je me mis encore à poser des questions sans réponse :

Hé ! Si t'es une sorte d'humain transformé en animal par une méchante sorcière, tu pourrais pas me faire un signe pour que je comprenne ? Parce que là, j'ai juste l'impression d'être une folle qui faudrait enfermée. Je me tus avant de continuer comme pour moi-même. Non mais attend, je suis en train d'adresser la parole à un chat là ? Whaou, j'pensais pas avoir touché le fond comme ça ...

Je ne sais pas comment il réussit à sortir le portable, ni comment il savait qu'il se trouvait là. Toujours est-il que le petit minou attrapa l'appareil qui se trouvait dans l'une des poches avant de me le montrer. Là, c'était définitif. Ce chat n'était pas un simple chat. Paradoxal, non ? Je m'en rendis compte quand il appuya sur les touches avec ses petites pattes. D'ailleurs, il semblait vouloir me montrer une photo. Étant allongée par terre, j'avais la tête tout près du téléphone. Autant dire que je pouvais contempler l'image à loisir. En la regardant, je me sentis vraiment bête. C'était un garçon ou une fille là-dessus ? Je devais d'ailleurs afficher une tête assez dubitative en l'observant. Le chaton changea alors le menu, pour finir par enclencher une chanson. Le félin semblait vouloir me montrer le titre, et je lisais sans comprendre où il voulait en venir.

Enfin, sur le coup j'étais surtout obnubilée par la musique qu'on entendait. N'avais-je pas dit que je n'écoutais qu'une seule chanteuse ? Ah, je m'excuse Luka, je suis en train de te trahir ! Pour peu je me serais mis à chouiner. Je secouais alors rapidement la tête, remettant mes idées en place. Okay alors, que devais-je comprendre ? Quels étaient les indices que j'avais. Une photo, un titre de chanson, un collier de chat ... Heureusement que mon Q.I de cent quatre-vingt pouvait servir, pour certaines choses. C'est surtout quand je le vis se tapoter avec sa patte que je réalisais.

Hé ?!

Ouais, une réaction un peu légère, mais elle avait au moins le mérite de montrer mon étonnement. Du coin de l’œil, je le vis essayer de ramener ce qui semblait être un boxer et un pantalon. Et puis tout d'un coup, le petit chat était parti, et je ne voyais plus qu'un individu à sa place. C'est bête, j'l'aimais bien ce p'tit matou. Pour le coup, je me sentais un peu bête d'être allongée sur le sol, et je me mettais donc en position assise sur le sol. Alors, j'eus comme un tilt soudain. Attends, c'était cette personne, le chat ... Ça voulait donc dire que je l'avais serrer lui, contre ma poitrine. J'avais donc les yeux exorbités. La prochaine fois, j'me ferrais pas avoir de cette façon.

« WAHOU J’pensais pas que ça allait marcher, tiens… Bon, enfilons le pantalon, et allons chercher les bottes ! Ah non, c’était moi le chaton ! Ravi de te rencontrer ! Comment t’appelles-tu ? »

Mauvaise idée pour Kuro, il se rapprocha de moi. Ouais, j'essayais d'éviter mon regard de dévier, mais impossible. Vu sa tête, je ne savais s'il était un homme ou une femme ... Alors, malencontreusement, mes yeux glissèrent vers ses parties intimes. Parce qu'en plus c'était un mec ?! J'avais collé un mec contre mes seins ?! J'comprenais mieux le côté pervers que j'avais cru discerner chez lui. Trop près, il était trop près ... Je m'étais complétement figée, sans même répondre à sa question.

Je lui tournais alors volontairement le dos en balançant des " j'ai rien vu, j'ai rien vu du tout ! ". C'était plus facile pour moi de parler avec un garçon lorsque je ne le voyais pas. Héhé, je sais que c'est stupide. En même temps, il m'avait sûrement vu me payer le mur, alors l'image qu'il devait avoir de moi devait être bien écornée. Je vis alors du coin de l’œil le tableau qui se mettait à bouger, tout doucement. Lui ne le remarquerait peut-être pas, mais moi je savais que c'était dû à mon pouvoir. Aller, inspire, expirer, ça va passer !

Becca, moi c'est Becca Uccello. Incantato (=enchanté).

Haha, j'avais l'impression de parler à l'homme invisible. Ce qui n'était pas totalement faux, vu que je ne pouvais pas le voir. Bon aller Becca, fait un effort. Je pris alors une moue de gamine pas contente - vous savez, les joues gonflés du genre pas content - avant de me retourner vers lui et de le regarder dans les yeux.

Ça va, t'as bien profité, ta tête dans mes nibarres ? Sale matou va !